vendredi 14 septembre 2012

Les nouveaux compagnons (1)







L’immense salle de pierre était pratiquement vide. La seule décoration consistait en un tapis rouge de plusieurs mètres de large marquant le chemin à parcourir depuis la grande porte d’entrée jusqu’au trône imposant du grand Pope. Ici, la lumière de la lune projetait sur le sol l’ombre des nombreux piliers massifs en un quadrillage parfait. Grâce au pouvoir divin d’Athéna, cette salle, comme les douze temples antiques qui y menait, n’avait pas besoin de lampe pour être éclairée. En effet, dans ces lieux bénis par la déesse, tous les atomes constituant la matière visible renvoyaient les infimes parcelles de lumière originelle contenues en eux depuis le big bang créateur. Ainsi, quiconque se tenait dans la salle, de nuit, y voyait comme en plein jour ou presque.

Assis sur le trône, comme tant d’autres grands Popes, représentants légitimes de la déesse Athéna durant son absence sur la planète Terre, le dernier désigné au casque d’aigle attendait que son chevalier prenne la parole, comme il en était d’usage.

Celui-ci était installé au pied des marches menant au trône, tête baissée et genoux à terre.

-          Kalyaste, du signe caché du Serpentaire, au rapport. J’ai plusieurs nouvelles à vous annoncer, grand Pope.
-          Parle mon ami. Mais par pitié, ajouta la voix efféminée avec un trait d’agacement, quand nous sommes seuls, évite d’être aussi grandiloquent que d’habitude. Nous ne sommes pas en public.
Et comme pour souligner ses propos, le grand Pope retira vivement son casque.
-          Bon sang ! Qu’est-ce que j’ai chaud là-dessous !

Kalyaste releva la tête et se redressa enfin, posant son regard sur le grand Pope. Ou plutôt la grande Pope, la première de toute l’histoire de la chevalerie. Il y a bien longtemps qu’il n’avait pas vu son visage familier. Etant anciennement chevalier, celle-ci avait longtemps porté le masque traditionnel destiné aux femmes chevaliers, signe de leur renoncement à leur statut de femme. L’Athéna de cette ère avait aboli cette règle qu’elle jugeait désuète avant de quitter sa fonction et de se retirer de la vie du sanctuaire sacré. Les rares femmes chevaliers purent à nouveau montrer leur visage au monde, mais par habitude, l’appellation masculine de « grand Pope » était restée dans les mœurs parmi les rares chevaliers rescapés de la dernière guerre sainte, il y a vingt et un ans de cela.

Voilà donc presque un quart de siècle qu’elle occupait le poste de grand Pope, et certains ne s’y faisaient toujours pas, bien qu’ils lui obéissent comme il se doit d’obéir à un grand Pope et qu’ils n’aient jamais critiqués ses ordres. Pour expliquer son choix, la déesse réincarnée sous les traits de la jeune Saori Kido avait argumenté qu’une femme saurait mieux qu’un homme défendre la paix et l’amour sur Terre et que ce chevalier avait toujours soutenu la déesse, même lorsque Saga, chevalier d’or des Gémeaux renégat, avait pris le contrôle du sanctuaire et engendré une guerre fratricide au sein de la chevalerie.

Kalyaste se détendit enfin, sortit de la légère pénombre que projetait un pilier, grimpa les marches rapidement et sauta à deux mètres de hauteur pour s’installer sur le dossier du trône, les pieds posés sur l’un de ses accoudoirs.

Le grand Pope se tourna et changea de position pour se mettre face à son vis-à-vis. Kalyaste était grand et sans son armure il n’avait absolument pas l’air dangereux. Pourtant, elle le savait, il était certainement le combattant le plus acharné de tous les Saints qu’elle avait connue. C’était aussi le plus âgé de l‘ancienne génération.

Resté en retrait sur ordre d’Athéna durant la guerre sainte afin de participer à la formation de la nouvelle génération de chevaliers, il avait maintenant la cinquantaine passée mais gardait cette jeunesse de corps propre à tous chevaliers. Ses cheveux bruns foncés un peu trop longs lui donnaient un air négligé. Son visage avait l’air grave, ce qui dénotait avec son sourire bon enfant habituel. Visiblement, les nouvelles n’étaient pas bonnes. Ses yeux verts plongeaient littéralement dans ceux du Pope.
-          Kalyaste, fit la femme en le fixant dans les yeux, un sourire aux lèvres, si tu n’étais pas le chevalier du Serpentaire, tu aurais été puni pour ce geste. Le trône du Pope n’est pas un tabouret.
L’intéressé se détendit immédiatement et rit de bon cœur.
-          Que veux-tu, j’ai tous les droits. Je suis un peu le bouffon du roi, avec quelques tâches en plus.

Il l’observa à son tour. Le Pope, presque la quarantaine, n’avait aucunement perdu de son charme. Pour elle, qui avait reçu le misopéthaménos, le temps s’était quasiment figé et son cœur ne battait plus que cent mille fois par an, le nombre de battements moyen d’un homme par jour, ce qui lui permettrait de vivre encore plusieurs centaines d’années. Cadeau de la déesse à sa représentante légitime sur Terre.
Orpheline ayant séjourné durant ses jeunes années au Japon, elle avait rapidement été repérée par Miké, ancien chevalier d’argent, qui l’avait formé aux secrets du cosmos, cette énergie intérieure qui peut être intensifiée jusqu’à obtenir la puissance légendaire des Saints, les chevaliers d’Athéna. Il suffisait d’observer ses yeux gris bleu pour repérer chez elle une grande intelligence, une détermination sans faille et une grande expérience du combat. Elle cachait bien son jeu et plusieurs chevaliers d’argent à la solde de Saga avaient été terrassés d’une seule attaque en ayant commis l’erreur de la juger sur son sexe. Sa chevelure de feu et son histoire en faisaient un personnage aussi charismatique que redoutable. Elle qui avait formée le chevalier de bronze devenu légendaire, Seiya de Pégase. Lui et ses amis avaient sauvé le sanctuaire de la manipulation de Saga, puis renvoyé Poséidon à son sommeil millénaire, et enfin poursuivi Hadès jusqu’au plus profond des Enfers afin d’emprisonner son âme divine dans une urne sacrée et scellé par le sceau de la déesse. Pour toutes ces raisons, la simple évocation des « cinq bronzes » inspirait le respect. Et cette femme, aujourd’hui grand Pope, avait été le maître du chevalier Pégase devenu une légende.

-          Souhaites-tu entendre les nouvelles, Marine ? demanda enfin Kalyaste.
-          Balance tout. Elles sont mauvaises, n’est-ce pas ?
-          Oui, mais pas seulement. La première est bonne. J’ai observé les deux jeunes en quête du casque et ceux-ci ont accepté de recruter dans leur petite équipe un certain Simon Dietrich.
Marine sourit.
-          Effectivement, c’est là une très bonne nouvelle. Le sanctuaire pourra garder un œil sur eux et parer à toute éventualité. Continue.
-          J’ai constaté un mouvement de la part des chevaliers de l’île de la Reine Morte.

Cette fois Marine ne sourit plus.

Tout chevalier d’Athéna connaissait les rebelles de l’île de la Reine Morte. Ces combattants ayant été entrainé pour devenir chevaliers mais dont le cœur s’était révélé pourri de noirceur. Bannis du sanctuaire sacré par Athéna ou le grand Pope, ils disposaient néanmoins de la puissance des chevaliers de bronze, au moins. Ces rebelles avaient découvert l’île de la Reine Morte il y a plusieurs siècles. Cette terre quasiment inhabitable se trouve être le dernier vestige du continent de Mu, appelé aussi dans la mythologie continent de l’Atlantide. Les atlantes, bien qu’étant le peuple de Poséidon, offraient leurs services à quiconque faisait appel à eux. C’est d’ailleurs pour cette trahison que leur dieu avait englouti le continent et installé son temple sous la mer. Ainsi, lorsque le peuple des atlantes renaîtrait, personne ne pourrait venir leur demander service.

Ce peuple avait également été très avancé technologiquement et maîtrisait leur septième sens à un point qui n’avait jamais plus été atteint d’après les légendes conservées de la grande bibliothèque. Ainsi avaient-ils développé une technique aujourd’hui perdue pour créer des métaux vivants habités par un cosmos. Ce sont eux, les créateurs de toutes les armures recensées, que ce soit les « écailles » des marinas de Poséidon, les clothes, armures sacrés des chevaliers d’Athéna, ou encore les surplis d’Hadès. Mais ce peuple avait également construis des armures en secret. Dans quel but ? S’il y en avait eu un jour, personne ne le savait plus aujourd’hui.

Longtemps après le grand cataclysme qui engloutit ce peuple avancé, les bannis d’Athéna avaient découvert sur l’île de la Reine Morte un secret gardé et oublié depuis des temps immémoriaux : les fameuses black clothes, ces armures noires singeant les revêtements sacrés des chevaliers d’Athéna. N’agissant pas directement contre l’humanité, la déesse les avait épargnés, et leur nombre n’avait de toute façon jamais constitué une menace réelle. Shaka, ancien chevalier d’or de la Vierge, s’était même un jour rendu sur l’île pour mettre fin à leur existence mais était rentré au sanctuaire, affirmant qu’ils n’étaient déjà plus qu’une poignée et ne représentaient pas une menace.

Néanmoins, jamais ils n’ont été réellement comptabilisés et personne ne sait combien de black clothes sont encore aptes à être utilisées au combat. Dans l’état actuel de faiblesse du sanctuaire, suite à la guerre sainte puis à des disparitions, un mouvement de masse de ces rebelles pourrait s’avérer catastrophique. Un seul nouveau chevalier avait été présenté devant le grand Pope depuis la dernière guerre sainte et cela inquiétait tout le monde. Athéna ayant abandonné sa tâche, une première dans toute l’histoire de la Terre, ceci marquait-il la fin de la chevalerie ?

Marine sortit de sa réflexion et fixa Kalyaste.
-          Dis-moi tout ce que tu sais. Quels sont leurs agissements ?
-          Je ne me suis pas rendu sur l’île, et c’est cela qui m’inquiète. En tant normal, ils ne quittent que rarement leur territoire et leurs dernières sorties remarquées, sous le commandement du chevalier de bronze Ikki du Phénix, s’étaient soldées par un échec cuisant face à Seiya et aux autres bronzes. Mais après m’être renseigné, je peux affirmer que les deux hommes mis à terre par Myrien, le jeune homme qui s’est récemment éveillé à la cosmo-énergie, agissaient sous les ordres des chevaliers noirs.

Marine se refusa à comprendre.
-          Tu veux dire que Myrien a vaincu deux chevaliers sans avoir suivi d’entraînement ? demanda-t-elle, incrédule.
-          Ce que je veux dire est bien pire que cela. Je veux dire que les deux hommes… n’étaient pas des chevaliers. En d’autres termes, des humains non éveillés au septième sens agissent pour le compte des chevaliers noirs.
-          Cela est … Je ne sais pas quoi en penser. Il faut contacter ce qu’il reste des chevaliers afin qu’ils se rassemblent au sanctuaire dès que possible. J’aimerais dans ton cas que tu continues de suivre le groupe. S’ils peuvent retrouver Orion, l’armure retrouvera enfin sa place et… je n’ose l’espérer…
-          … Et peut-être que le sanctuaire comptera un chevalier de plus dans ses rangs, finit Kalyaste.
-  C’est ce que je souhaite le plus. La disparition des Saints serait une perte inimaginable pour l’humanité. Elle signifierait sa perte.
Le chevalier du Serpentaire ne commenta pas et décida de poursuivre son rapport.

-          De plus, les deux jeunes sont suivis par des chevaliers noirs. Au moins quatre. Peut-être plus.

-          A quelles constellations correspondent-ils ?

-         

-          Réponds-moi, Kalyaste. Qu’y a-t-il de plus terrible que cela ? Des black clothes d’armures d’or ?

-          Heureusement non. Mais je ne sais pas si ce que j’ai à dire est meilleur. J’ai repéré… Je ne suis pas sûr, mais je crois avoir repéré l’armure de l’Andromède noir.

Marine comprit à ce moment que la situation pouvait devenir pire que catastrophique. Le chevalier d’Andromède noir avait péris à l’issue de son combat contre le véritable chevalier d’Andromède, Shun, l’un des cinq bronzes. L’armure du renégat avait été brisée en mille morceaux. Elle devait être inutilisable. Il ne devait rien rester de cette armure. Se pouvait-il que, comme les armures du phénix noir ?
-          Autre chose, continua Kalyaste. Cette armure était… intacte.

Le Pope ne voulait pas en entendre davantage. Cela signifiait soit que l’armure d’Andromède avait fait l’objet de duplicatas en masse par le peuple de l’Atlantide[1], soit que les chevaliers noirs avaient découvert le secret de la réparation des armures, un savoir que seul détenaient les disciples de Jamir en Inde, dont Kiki était le seul représentant à l’heure actuelle. Si les blacks disposaient de cette technique, alors tous les chevaliers sacrés courraient potentiellement un danger. Ils devaient absolument se rassembler au sanctuaire au plus vite !
Mais Kalyaste poursuivit.

-          J’ai pu les observer de loin et passer inaperçu car je sais effacer ma cosmo-énergie, mais s’ils se manifestent au groupe, il me faudra intervenir. Je te demande l’autorisation de porter l’armure du Serpentaire si le danger devient trop grand.
-          Bien sûr que tu as l’autorisation, répondit-elle simplement. Encore une mauvaise nouvelle ?
-          Non. Mais je n’ai plus de bonne nouvelle non plus.
-          Même pas qu’il fera beau demain ?
-          Ils ont prévu de la pluie.
Malgré elle, Marine esquissa un sourire.

***

Assise comme Myrien sur la banquette arrière du taxi, Sélène ne décolérait pas.

-          Nan mais tu te rends bien compte qu’on va faire équipe avec un autre chercheur lancé dans la course, et un inconnu en plus ? Cette vieille bique…
-          Tu n’avais pas dis qu’il connaissait très bien ton père avant sa disparition ?
-          Bien sûr que si, mais moi je ne le connaissais pas plus que ça. La confiance de mon père ne doit pas obscurcir mon jugement, et je te préviens : je garderai l’œil sur sa tête de menteur !

Myrien ne souhaitait pas entrer encore dans un débat sur les bonnes ou mauvaises intentions de Simon. Depuis que le scientifique les avait quittés la veille, elle n’avait eu de cesse de lui tenir la grappe et de revenir sur le sujet, cherchant à chaque fois de nouveaux arguments pour l’incriminer. La nuit avait été longue dans la forêt domaniale.

Le téléphone potable de Sélène vibra dans sa poche et elle s’en saisit avec autant d’agilité qu’un cowboy qui dégainerait son colt.

-          Et ben voyons, lança-elle en raccrochant quelques secondes après. Simon nous attendra directement à l’aéroport Charles-de-Gaulle et nous signale qu’un porteur sera mis à notre disposition à tous les trois.
-          Porteur pourquoi ?
-          Pour « nous aider avec son matériel ». Officiellement en tout cas. Mais personnellement tu sais ce que j’en pense. Voila qu’il nous oblige, « pour notre confort » à être accompagnés. Si ce porteur est au service de Simon…
-          Alors dans le cas où il nous trahirait au moment de récupérer le casque, il bénéficierait d’un allié, conclut Myrien.
-          Je n’aime pas…

Le taxi filait sur les routes en direction de l’aéroport. Ils seraient bientôt arrivés. Myrien apercevait déjà les avions prenant de l’altitude.

La voiture arriva à destination quelques minutes plus tard.

Encore cette sensation étrange, songea-t-il lorsqu’ils sortirent du taxi.

-          Myrien, fit Sélène d’une voix sèche, j’ai un mauvais pressentiment.
Il écarquilla les yeux.
-          Toi aussi tu ressens ça ?
-          Je ne sais pas ce que toi tu ressens. Mais dans mon cas, j’ai comme l’oreille qui bourdonne, sauf que la sensation est partout dans mon corps. Un mauvais pressentiment quoi.
-          Ah… non moi c’est différent. C’est « l’univers » dont je t’ai parlé, comme un « quelque chose » de puissant à l’intérieur de moi qui ressent un quelque chose similaire ailleurs.
-          Tu sais Myrien, si je n’étais pas comme je suis, je te trouverais très bizarre. Mais j’ai déjà eu des ressentis comme aujourd’hui. Maintenant que tu le dis, je me souviens quand mon père me parlait des nuages.
-          Des nuages ?
-          Mon père me racontait parfois que lorsque j’étais plus jeune, je voyais des nuages à la place des gens. Quand j’étais encore toute petite, il parait que j’avais hurlé à l’arrivée d’un invité à la maison. Et lorsqu’il m’avait demandé pourquoi, je lui ai répondu qu’il y avait un nuage à la maison. (Seyline se laissa aller un moment à ses souvenirs.) Quoi qu’il en soit, je n’ai aucun souvenir de tout ça et je n’ai jamais revu de ces nuages dont il me parlait. Aussi loin que remontent mes souvenirs en tout cas. (Elle fit une pause encore puis secoua la tête.) Je ne sais pas pourquoi je te dis tout ça maintenant. Allons-y plutôt, l’autre taré cleptomane doit nous attendre avec son laquais.

Myrien sourit en imaginant Simon cleptomane. Etant donné les circonstances de leur rencontre, il fallait avouer que le qualificatif lui collait plutôt bien. Lui non plus n’avait pas oublié la sensation étrange qu’il avait eu avant d’entrer : une impression de grande puissance derrière la porte et qui avait immédiatement disparue quand il était entré. Sélène avait raison, Simon était peut-être un élément nécessaire dans leur quête pour retrouver l’artefact, mais cela n’en faisait pas un allié pour autant. Lui aussi garderait l’œil ouvert.

Installés dans l’avion, un bolide énorme dont les premières classes bénéficiaient de tables et de fauteuils en vis-à-vis pour les groupes d’affaires, Simon était déjà installé et son « porteur » était assis à côté de lui. L’avion décollerait bientôt et ils arriveraient donc dans quatre heures et huit minutes précisément au Caire.

-          Juste le temps de faire une bonne sieste, n’est-ce pas ? demanda Simon pour récolter l’avis de tous.
-          Je ne dors pas en avion, répondit Sélène. Et si tu tentes de voler quelque chose je ressors ma céramique.

Simon repensa au couteau qui avait pressé sa gorge la veille et se massa doucement la zone.

-          Quant à moi c’est pareil, enchaina Myrien. C’est rare que je prenne l’avion, alors je préfère profiter de la vue et du ciel.
-          Bien, fit l’archéologue, très bien. Alors avant de vous quitter dans les bras de la déesse Morphée, je tiens quand même à vous faire les présentations. Myrien, Sélène, voici Alban. Il ne parle pas beaucoup mais je peux vous assurer que j’ai en lui une confiance sans faille.
-          Ca, je n’en doute pas, dit Sélène sur un ton volontairement sarcastique. Et tes fameux documents sur des prétendues précisions, tu les as amenés aussi ?
-          Bien entendu ! Ils sont dans la soute à bagages, bien gardés dans un petit coffre fort, lui-même placé dans un cube en aluminium ultraléger qui ne s’ouvre qu’avec mes empreintes digitales. Et oui, ajouta-t-il en réponse à l’étonnement que montrait Myrien, moi aussi je ne tiens pas à ce que vous me prépariez une mauvaise surprise.
Et il ponctua sa phrase d’un clin d’œil appuyé.
-          Sur ce, ajouta-t-il en croisant les bras derrière sa nuque, je vous quitte. On se retrouve tout à l’heure !
Moins de trois minutes après, alors que l’avion lançait ses moteurs, l’archéologue quadragénaire ronflait paisiblement.

Comme Simon les avait prévenus, Alban était quelqu’un de très silencieux.  Il avait la trentaine passée et des yeux en amandes. Son visage large à la mâchoire proéminente, tout comme son prénom, dénotait franchement avec ses origines asiatiques. Il observait parfois Myrien et Sélène du coin de l’œil, en feintant de regarder par le hublot. Il paraissait ennuyé, limite impatient, comme s’il trouvait que l’avion n’allait pas assez vite à son goût. D’ailleurs, Sélène n’avait pas hésité à le charrier là-dessus.

-          Tu sais Alban, les avions supersoniques ne font pas encore dans le transport des vacanciers. Il faut t’y faire, on passera pas le mur du son aujourd’hui.

Le porteur n’avait rien répondu, mais la remarque lui tira un sourire. Un quelque chose avait glissé dans ses yeux, comme de l’amusement, l’air de dire « parle pour toi, moi j’ai mon avion privé ». Myrien regarda Sélène mais il comprit à son regard de vainqueur qu’elle n’avait rien vu. Alors il ne dit rien, puis reporta son regard sur Simon.

La bouche ouverte et les paupières closes, il ressemblait presque à un bébé. Malgré ses vêtements impeccables on avait l’impression qu’il n’avait pas dormi ni pris de douche depuis plusieurs jours, et ses cheveux mi-longs un peu gras étaient comme une preuve qui criait son besoin d’un bon bain.

Le reste du trajet se déroula dans le silence, chacun dans ses pensées. Myrien tentait de comprendre comment fonctionnait son étrange pouvoir. Sélène quant à elle était en pleine réflexion sur cette sensation dans son corps. Celle-ci ne l’avait pas quitté. Ça criait en elle comme un signal d’alarme.


A SUIVRE...

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